L’approche Job to be done pour comprendre ses clients

Sur les 30 000 nouveaux produits lancés chaque année, 95 % sont un échec, affirmait encore récemment Clayton CHRISTENSEN, professeur à Harvard et auteur du célèbre « Innovator’s Dilemma ​». Lors de leur recherche, Christensen et trois coauteurs le constatent : petit à petit, les entreprises se détachent de leurs clients pour se concentrer sur leurs propres produits. En clair, l’entreprise ne sert plus ses clients, elle leur vend des produits dont ils n’ont pas forcément besoin. Les bases du marketing semblent oubliées. Pourquoi ? Parce que souvent elles réfléchissent en vase clôt avec leurs outils industriels.

L’innovation constante est sans aucun doute un facteur important dans le développement d’une activité qui se veut pérenne.  De ce fait, il faut constamment faire preuve d’originalité et surtout de dynamisme pour garantir une certaine satisfaction des différentes cibles. Dès lors, de nombreuses approches novatrices visant à résoudre l’équation complexe du besoin du client et du produit proposé sont apparues. 

Parmi ces approches, celle du personae est sans doute l’une des tendances qui fait le plus d’écho. La création des personaes permet à votre stratégie marketing d’être à la fois simple et très efficace. Elle vous permet, de ce fait, de mieux connaître et surtout de comprendre les attentes de vos clients. Ainsi, une fois en place, vous avez cette aisance de mettre sur pied une stratégie marketing efficiente et appropriée afin de faire correspondre au mieux, vos offres, aux attentes de vos différentes cibles. Cependant, définir un bon buyer persona n’est pas toujours une chose évidente à faire. Cela demande souvent un savoir-faire basé sur de nombreuses années d’expérience et d’une approche méthodologique adaptées à chaque situation et même, dans certains cas, au type de produits. Néanmoins, il existe une approche complémentaire à laquelle vous pouvez associer votre démarche pour améliorer et garantir la qualité de votre travail en ce qui concerne la définition d’un buyer persona ;   l’approche Job to be done. 

Qu’est-ce que le job to be done ?

La méthode Job-to-be-done peut être définie par la faculté à trouver le bon emploi à votre produit. Cela consiste à prendre en considération les utilisateurs comme des recruteurs à la recherche du meilleur candidat (vos offres de services et produits) capable de réaliser un travail spécifique qui représente le job.  Autrement dit, il faut se concentrer sur la raison pour laquelle un client a besoin d’acheter votre produit et les tâches qu’il a à réaliser pour cela.

Le concept « Job to be done » a été inventé en 2007 par Clayton Christensen et Anthony Ulwick enseignants à Harvard Business school. Il s’agit de l’ensemble des missions à accomplir pour satisfaire le client. Vu sous cet aspect, cela change complètement des approches conventionnelles connues jusqu’à ce jour. Ainsi, plutôt que de se focaliser sur l’acte d’achat et son objet, l’attention est plutôt orientée sur la formalisation de la démarche de l’utilisateur autour du résultat attendu et des différentes solutions envisagées.  

Les concepteurs d’intercom (intercom.com) utilisent cette illustration pour montrer ce qui est, et ce qui n’est pas, important pour les clients.

Il s’agit donc d’une approche qui consiste à être “customer centric”.

Tony Ulwick définit 9 vérités fondamentales pour le JTBD:

  1. Les gens achètent des produits et des services pour faire un «travail».
  2. Les emplois sont fonctionnels, avec des composantes émotionnelles et sociales.
  3. Un travail à faire est stable dans le temps.
  4. Un travail à faire est indépendant de la solution.
  5. Le succès vient du fait de faire du «travail», plutôt que du produit ou du client, l’unité d’analyse.
  6. Une compréhension approfondie du «travail» du client rend le marketing plus efficace et l’innovation beaucoup plus prévisible.
  7. Les gens veulent des produits et services qui les aideront à faire un travail mieux et / ou moins cher
  8. Les gens recherchent des produits et des services qui leur permettent de faire tout le travail sur une seule plate-forme
  9. Les besoins des clients, lorsqu’ils sont liés au travail à accomplir, rendent l’innovation prévisible


Exemple de démarche Job to be done d'entreprises connues

1) Innovation dans les Transports

Tâche à accomplir pour le client

« Je veux un service de transport avec chauffeur qui offre un transport fiable en appuyant simplement sur un bouton. »

Perspective job to be done

Les clients « louent » des transports comme Uber pour se rendre d’un endroit à un autre de manière efficace. Cela a conduit à l’essor des services de covoiturage, offrant une solution au-delà de la possession d’une voiture pour atteindre une destination.

Exemple concret – L’impact d’Uber

Le succès d’Uber montre bien comment la théorie des tâches à accomplir (JTBD) a transformé les approches traditionnelles du transport. En comprenant que les clients cherchent des déplacements point à point pratiques sans posséder de voiture, Uber a révolutionné le secteur. Pour répondre au besoin de flexibilité et de rentabilité, Uber a introduit diverses options de service comme UberX et UberPOOL. L’accent mis sur une expérience numérique fluide, avec une interface d’application intuitive et des transactions sans espèces, améliore le parcours client global. L’engagement d’Uber en faveur d’une innovation constante, avec des offres comme Uber Eats et Uber Rewards, montre bien l’adaptabilité nécessaire pour répondre à l’évolution des JTBD et assure son succès continu.

2) Évolution des Smartphones

Hypothèse traditionnelle

Mission client à réaliser

« Je veux un appareil mobile qui me permette d'écouter ma musique pendant que je cours. »

Perspective job to be done

Les clients « louent » un appareil pour rester connectés, comme l'iPhone d'Apple, pour accéder à l'information et au divertissement. Cette perspective a alimenté l'évolution des smartphones en appareils multifonctionnels, répondant à divers besoins au-delà de la simple communication.

Exemple concret – La révolution de l’iPhone d’Apple

L'iPhone, conçu à partir des connaissances approfondies de Jobs to Be Done (JTBD), sert de plate-forme de communication unifiée en répondant aux divers besoins des clients. De la consolidation des canaux de communication à l'accès instantané à l'information et au divertissement portable, il innove en permanence pour répondre aux demandes en constante évolution des clients. L'iPhone témoigne de l'engagement d'Apple à comprendre et à satisfaire efficacement les JTBD.

3) Transformation des Services de Streaming

Hypothèse traditionnelle

Les clients s’abonnent à des services de streaming pour accéder au contenu.

Client  job to be done

« Je souhaite un service de streaming qui propose un contenu diversifié pour répondre à mes besoins de détente, de divertissement et d’information. »

Perspective job to be done

Les clients « louent » des divertissements pour se détendre, se relaxer et rester informés. Les services de streaming ont reconnu ce besoin et ont diversifié leur contenu pour offrir une solution complète à des besoins de divertissement variés.

Exemple concret : Netflix

La perspective Jobs to Be Done (JTBD) a apporté un changement transformateur, en comprenant que les clients « louent » du divertissement pour se détendre, se relaxer et rester informés. L’évolution de Netflix en est un exemple notable. Au lieu de se concentrer uniquement sur la disponibilité du contenu, Netflix a reconnu la tâche plus large que les clients cherchaient à accomplir : rechercher diverses formes de divertissement.

En proposant une vaste gamme de films, d’émissions de télévision, de documentaires et de contenus originaux, Netflix s’est positionné comme une solution unique pour répondre à divers besoins de divertissement. Cette démarche stratégique ne visait pas seulement à fournir un accès au contenu ; elle visait à répondre aux exigences plus profondes des clients en quête de détente et de plaisir, démontrant ainsi la puissance de JTBD pour remodeler le paysage des services de streaming.


Comment adopter l’état d’esprit job to be done ?

L’idée générale qui régit l’approche job to be done est d’exprimer clairement les raisons qui peuvent amener un client à solliciter une offre, ainsi que les objectifs qu’il souhaite atteindre en le faisant.   

Généralement pour le faire, vous pouvez prendre en considération les trois dimensions importantes du client à savoir : 

  • L’aspect fonctionnel (pragmatisme) : ici, l’accent est mis sur ce que le client aimerait concrètement réaliser.  
  • Ressentis personnels (émotion) : comment est-ce que le client se sent réellement  par rapport à son problème et surtout comment perçoit-il la nouvelle solution. 
  • Perception et impact social (émotion) : comment est-ce que l’utilisateur souhaiterait-il être perçu. 

Vous ne devez pas vous concentrer sur le produit ou la solution que vous vendez ! Lorsque votre client utilise un produit ou un service, il a embauché ce produit ou service pour faire un travail. Bien qu’il puisse être satisfait AUJOURD’HUI de cette solution, toute autre possibilité future pourrait fournir une meilleure solution au travail de DEMAIN.

Lorsque vous observez votre (futur) client, vous devez comprendre le problème qu’il tente de résoudre avec le produit (le vôtre ou une alternative) qu’il a embauché (pourquoi ils font ce qu’ils font).

Plus le travail est important pour le client (d’un besoin fonctionnel de base à une recherche d’auto-transcendance comme l’impact social), plus vous pourriez potentiellement capter de la valeur avec votre solution.

Jobs-As-Progress vise à répondre à plusieurs phénomènes sociaux tels que :

  1. Qu’est-ce qui pousse quelqu’un à acheter un produit pour la première fois ?
  2. Pourquoi et comment les consommateurs utilisent-ils les marchés pour s’adapter à un monde en mutation
  3. Pourquoi et comment les consommateurs achètent-ils (recherchent-ils de nouveaux produits, services et technologies)?
  4. Pourquoi et comment les consommateurs passent-ils d’un produit à l’autre ?

Voici un canvas pour travail sur votre job to be done en atelier de design Thinking


Ne négligez surtout pas les dimensions émotionnelles 

Le volet émotionnel est une dimension très importante à prendre en considération tout autant que celui de l’aspect fonctionnel. En effet, en plus de vouloir accomplir une tâche précise, les utilisateurs ont généralement d’autres attentes axées sur le volet émotionnel envers eux-mêmes ou envers la perception que peuvent avoir les gens de leur entourage. L’exploitation de ces aspects émotionnels permet de construire des véritables propositions de valeurs qui correspondent à la fois aux besoins fonctionnels du client, mais aussi à ceux du volet émotionnel.  

Pour toucher du doigt la valeur du volet émotionnel, nous allons prendre un exemple pratique pour l’illustrer tout cela.  À titre d’exemple, imaginez un client qui veut une tondeuse à gazon. Certes, il veut une tondeuse pour tondre un gazon, mais peut-être cherche-t-il aussi à impressionner son visionnage ou encore sa fiancée. Ainsi, en prenant en considération ces différentes dimensions émotionnelles et que vous les exploiter comme cela devrait se faire, elles pourront sans aucun doute vous aider, pour la prise des futures décisions et résolutions que vous devez entreprendre.

Comment associer le job to be done dans l’élaboration de personae ?

Comme précédemment évoqué, il n’est pas toujours évident de procéder à la formalisation de persona à cause de la complexité qui la caractérise. Une mauvaise formulation peut conduire à des personas mal étoffés qui constituent généralement des cibles marketing totalement désincarnées qui ne reflètent, en aucun cas, l’ensemble des enjeux, bien que basés sur des données démographiques et statistiques. 

Afin d’améliorer la qualité et la pertinence de vos résultats lors de la formalisation de personas qui est  désormais devenu une étape incontournable dans le cadrage d’un projet, vous pouvez intégrer la méthodologie job to be done. 

Pour la plupart du temps, en combinant ces deux approches, les personas sont conçus en deux  principales phases à savoir : 

  • La définition du profil et du contexte d’interaction avec vos offres (produits et services) et les éléments majeurs de sa personnalité. 
  • L’identification et la mise en évidence de ses micros besoins par rapport à la marque, aux produits et services, afin d’identifier tous leurs points de contact. 

Une fois établis, vous allez pouvoir vous immerger complètement dans la réalité d’un cas d’usage parlant. Ainsi, d’une part, grâce à la définition du profil, vous allez pouvoir donner corps à l’utilisateur enduit de sa personnalité, et d’autre part, anticiper le déroulé fonctionnel des solutions à proposer grâce à l’identification et à la mise en évidence des micros besoins.

Ainsi, en plus des interviews conventionnelles, cette approche se base également sur l’observation. Cette observation est importante, car force est de constater que  malgré le fait de rester constamment à l’écoute des clients en recueillant leurs envies pour connaître leurs envies et besoins, les résultats ne sont pas toujours concluants.

L’approche job to be done a-t-elle des limites ?

À dire vrai, cette approche n’as réellement pas de contrainte particulière. Néanmoins, adopter cette approche vous oblige à faire constamment  preuve de beaucoup d’efforts allant dans le sens de l’innovation et de la différenciation. 

Comme nous avons pu le constater, l’approche job to be done est une approche assez intéressante  qui offre de nouvelles perspectives. Une fois combinée à la formalisation de persona, elle devient un véritable facteur de réussite qui ne demande qu’à être exploité.  

Mais faut-il pour autant écouter le client ?

Si des entreprises peinent à trouver leur public, c’est parce qu’elles se concentrent trop sur les corrélations entre leurs clients. À force de chercher à en savoir plus, toujours plus, sur leurs “cibles”, elles foncent droit dans un mur. 

Mais vous disiez juste avant qu’il fallait les écouter, chercher à mieux les comprendre !” Pas si vite, nous y venons. Mieux les comprendre, c’est savoir ce dont ils ont vraiment besoin. Et ce dont le client a réellement besoin, c’est d’accomplir quelque chose. Au quotidien, nous avons tous des tâches à réaliser : 

  • Des petites tâches : acheter du pain, attendre dans une file, prendre un rendez-vous téléphonique… 
  • Des tâches importantes : gérer sa carrière, mener à bien l’éducation de ses enfants, organiser financièrement sa retraite… 
  • Des tâches imprévues : trouver une tenue d’urgence après que l’aéroport ait perdu votre valise, aider votre voisin à nettoyer son dégât des eaux… 
  • Des tâches régulières : préparer le repas, étendre le linge, vérifier vos mails… 

Ainsi, lorsqu’un consommateur achète un produit c’est pour l’aider à réaliser une tâche particulière. Il est dans la peau d’un recruteur : si le produit qu’il engage le satisfait, il le conserve, s’il échoue, il le remplace. 

L’approche job-to-be-done permet de se concentrer donc sur les circonstances auxquelles est confronté le consommateur. Les tendances ou les attributs du produit importent moins que le problème qu’il doit résoudre ou les émotions qu’il ressent face à la difficulté d’une tâche. Les entreprises ont donc, elles aussi, un travail à réaliser : celui de capter les subtilités derrière la réalisation d’une ou de plus tâches. Et cela ne se fait pas en accumulant les données et en créant des profils de client toujours plus élaborés ! Il faut plutôt se concentrer sur les tâches que les consommateurs ont du mal à réaliser, pour X ou Y raisons. Sans cette étape, votre marque devra miser sur la chance… Pas certain que ce soit la meilleure option quand des milliers, voire des millions d’euros sont en jeu.

Votre startup répond-elle à un vrai problème, à un « problem solution fit » ?